Des fins d’après-midi sous tension, vous en avez certainement déjà vécu : à 16 h 43, le portail e-commerce s’immobilise parce qu’une règle de contrôle TVA n’a pas été déclenchée ; à 16 h 47, votre responsable conformité exige des explications (son tableau de bord affiche déjà trois contrats en dépassement de délai réglementaire) ; à 16 h 52, l’équipe ADV cherche un « tableur de secours ». Pendant ce temps, la commande stratégique de 480 k€, promise aujourd’hui au client, bascule en retard critique.
Ce genre d’imbroglio est symptomatique d’un processus mal architecturé. La promesse originelle du Business Process Management (BPM) est justement de cartographier, d’exécuter et d’améliorer ces chaînes d’activité. L’arrivée des Large Language Models (LLMs) redistribue pourtant les cartes. Que peut-on leur déléguer ? Que doit-on préserver ? Et comment s’assurer que l’intelligence humaine reste au centre du jeu ?
Architecture BPM, de quoi parle-t-on ?
Une architecture Business Process Management est le socle méthodologique et technique qui transforme un flux d’activités (souvent implicite) en chaîne gouvernée. Elle s’appuie sur trois piliers :
- Modélisation : la norme BPMN 2.0 offre un langage visuel commun aux métiers et à l’IT pour décrire événements, passerelles et tâches.
- Orchestration : un moteur exécute le diagramme, déclenche les règles et appelle les services ou les humains concernés.
- Supervision & amélioration : logs d’exécution, indicateurs de performance et boucles de retour forment la base de l’optimisation continue.
Dans ce cadre, les tâches se répartissent naturellement : la machine gère l’exécutif répétitif (appels d’API, notifications), l’humain assure la décision à enjeu, l’escalade, l’empathie client… et la vision stratégique.
« Une architecture BPM vise avant tout à aligner les équipes IT et métiers, fiabiliser la donnée qui traverse l’entreprise et sécuriser les prises de décisions en temps réel. Autrement dit, un schéma d’architecture n’a de valeur que s’il accélère le business et réduit le risque. »
Où intervient encore l’humain ?
Ici, les collaborateurs gèrent la saisie complexe, l’arbitrage réglementaire, la relation client sensible, mais aussi la conception même du processus : choix des objectifs, définition des indicateurs clés, validation des variantes.
En d’autres termes, l’intelligence humaine demeure le garant de la pertinence et de la conformité du flux.
Pourquoi repenser l’architecture BPM à l’ère des LLMs ?
Fin 2024, Gartner soulignait que 45 % des DSI de la zone EMEA pilotent déjà une roadmap IA et prévoient d’en étendre l’usage dans les 12 à 24 mois.
Dit autrement : dans près d’une organisation sur deux, le sujet n’est plus expérimental mais stratégique, avec un calendrier clair et court.
Cette poussée place les LLMs au cœur même de l’architecture de processus.
Dès la phase de conception, un analyste métier peut décrire son besoin en langage naturel ; le LLM propose alors un brouillon de diagramme BPMN, rédige la documentation et suggère des règles métier.
Pendant l’exécution, il sert de copilote contextuel : un superviseur demande « pourquoi ce dossier est-il bloqué ? » ; le modèle examine les journaux, explique la cause et propose une résolution.
En aval, il passe en revue les historiques, détecte des goulots d’étranglement récurrents, chiffre le gain d’une automatisation ciblée et génère le scénario optimisé.
« La frontière entre automatisation et gouvernance se déplace. L’objectif n’est plus seulement d’exécuter plus vite, mais de réinventer continuellement les chaînes de valeur, avec un binôme humain-IA où chacun prend la place qui maximise son impact. »
Garder l’intelligence humaine là où elle crée le plus de valeur
Un principe simple s’impose généralement lorsqu’il s’agit de travailler sur ses processus : l’IA assiste, l’humain décide.
Concrètement :
- Les micro-tâches répétitives (vérification de complétude, normalisation de champs, rédaction d’e-mails de relance, etc.) sont confiées aux modèles, sous contrôle de règles seuils.
- Les décisions à impact (attribution d’un prêt, validation d’une pénalité fournisseur, traitement d’un point de non-conformité ISO, etc.) restent du ressort d’un acteur désigné, qui s’appuie sur l’analyse générée mais endosse la responsabilité finale.
- La conception stratégique (refonte d’un parcours client, alignement avec un nouveau cadre réglementaire, etc.) reste un exercice d’intelligence collective où le LLM joue le rôle de copilote, jamais de pilote automatique.
Ce partage clarifie aussi les nouveaux rôles, avec le métier qui devient gouverneur du processus, la DSI, designer de l’IA et le moteur BPM, orchestrateur garant de la traçabilité.
« Plutôt qu’un remplacement, il faut y voir une évolution des rôles : moins de saisie opérationnelle, plus de « governance by exception ». »
Process Mining, chaînon indispensable entre exécution et amélioration continue
Confier des tâches à un LLM sans visibilité fine sur ce qui se passe revient plus ou moins à piloter dans le brouillard. Le Process Mining intervient ici comme « projecteur » : il extrait des logs du moteur BPM la séquence réelle d’événements, mesure les écarts avec le modèle théorique et met en évidence les goulets d’étranglement ou boucles inutiles .
En retour, ces observations nourrissent le LLM, le modèle apprend quels chemins sont les plus efficaces, sur quelles valeurs seuil déclencher une alerte, comment réécrire une règle.
On obtient ainsi une boucle d’apprentissage continue :
Exécution ➔ journal ➔ mining ➔ optimisation ➔ nouvelle exécution.
Plus la donnée est fiable, plus la recommandation est pertinente ; plus la recommandation est pertinente, plus l’équipe humaine se concentre sur la conception de valeur plutôt que sur le colmatage d’incidents.
Process Mining + Agents IA, le futur (proche !) d’un BPM gouvernable
Chez Blueway, nous sommes convaincus que le Process Mining est la boussole indispensable à toute architecture BPM. Il capture le réel, nourrit automatiquement la modélisation BPMN et signale chaque dérive avant qu’elle ne coûte cher.
Cette boucle de vérité devient le socle de la prochaine vague « agentic ». Demain, des agents IA (combinaison de LLM et d’outils) négocieront une remise, lanceront un service logistique ou clôtureront un dossier sans intervention humaine, mais ils devront le faire à l’intérieur d’un cadre traçable et contrôlable.
En combinant Process Mining, moteur BPM et journalisation continue, ces flux hyper-automatisés restent auditables, gouvernables… et donc réellement fiables.
Article mis à jour 21/05/2025

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